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Philippe Gagnepain*, Luis Aguiar

La formation de spillovers (retombées) technologiques dans une industrie décrit un processus au cours duquel les entreprises acquièrent de nouvelles connaissances en matière d’innovation grâce à la diffusion des résultats de l’activité de recherche et développement de leurs concurrents. Les spillovers sont des ingrédients clés dans la formation de la productivité des entreprises et la croissance économique (1). La littérature économique a largement abordé les questions liées à l’innovation et la production de spillovers, que ce soit pour mesurer directement ces derniers, ou pour identifier les facteurs qui facilitent leur production.

Dans cet article, Luis Aguiar et Philippe Gagnepain s’intéressent à la question de l’impact des contrats incitatifs sur la production des spillovers dans le cas particulier de la régulation des entreprises de transports publics (2). Deux caractéristiques jouent un rôle important dans leur modèle. Tout d’abord, les spillovers sont mesurés au sein des groupes industriels (Connex, Kéolis, et Transdev sur la période 1987-2001) qui fournissent les services de transport public dans une grande majorité des réseaux urbains en France. En pratique, chacun de ces groupes est présent dans plusieurs réseaux urbains simultanément. Ainsi, les entreprises de transport locales appartenant à un même groupe peuvent bénéficier de l’échange d’information et de l’expérience de chaque opérateur en charge de la provision de services dans des réseaux aux caractéristiques différentes. Tous les réseaux exploités par une même société bénéficient alors des efforts d’innovation (productivité et réduction des coûts) fournis par tous les membres du groupe. Ensuite, le pouvoir incitatif de chaque contrat de transport public influence directement l’intensité de l’activité en recherche et développement de chaque opérateur local. Le contrat définit les règles de paiement et de remboursement des coûts d’exploitation. Deux types de contrats sont généralement utilisés, le contrat de type prix-fixe et le contrat de type coût du service. Avec les contrats à prix-fixe, l’opérateur reçoit des subventions pour couvrir les déficits d’exploitation attendus, et est donc fortement incité à produire de l’innovation et réduire ses coûts d’exploitation. Dans le cas d’un contrat de type coût du service, les subventions garantissent le remboursement intégral des déficits réalisés et ne fournissent donc aucune incitation aux entreprises à réduire leurs coûts (3).

Un usage intensif des contrats de type prix-fixe dans les réseaux de transport opérés par un même groupe industriel permet donc de multiplier les initiatives locales en termes d’effort de productivité et de réduction de coûts et d’intensifier les effets de spillovers au sein d’un même groupe. Les auteurs suggèrent que la mise en commun de l’information sur les activités de réduction des coûts de plusieurs entreprises réglementées par des contrat à prix fixe leur permet de bénéficier de réductions de coûts encore plus fortes, en comparaison avec une organisation industrielle où l’échange d’information est absent. Par conséquent, s’il est acquis que les contrats de type prix fixe sont des outils adaptés pour l’efficacité économique, il est encore plus important de les mettre en œuvre dans différents réseaux urbains simultanément afin de bénéficier de spillovers technologiques.

En conclusion, il est dans l’intérêt de l’État de promouvoir la mise en œuvre de contrats de type prix-fixe dans le secteur du transport public, et de garantir des parts de marché significatives aux groupes de transport afin de leur permettre d’être présents dans plusieurs réseaux simultanément et donc de profiter de spillovers technologiques sur ces réseaux. Une plus grande concentration de l’industrie implique une perte de concurrence au moment de l’adjudication des concessions des services de transport par des appels d’offre, mais elle peut permettre en contrepartie des gains de productivité et la mise en place de spillovers technologiques. Identifier l’importance de ces différents effets est une question empirique de première importance pour les chercheurs intéressés par ce secteur.

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(1) Grossman, G. M., & Helpman, E. (1991). Innovation and growth in the global economy. MIT Press.

(2) Sur ce sujet l’article de référence est : Laffont, J. J., & Martimort, D. (2002). The theory of incentives : the principal-agent model. Princeton university press.

(3) A venir dans The Encyclopedia of Transport edited by Roger Vickerman, Elsevier


Références

Titre original de l’article : Absorptive Capacity, Knowledge Spillovers and Incentive Contracts

Publié dans : forthcoming in The Encyclopedia of Transport edited by Roger Vickerman, Elsevier

Disponible via : https://www.parisschoolofeconomics.eu/docs/gagnepain-philippe/aguiar-gagnepain-july-2020.pdf

Crédits visuel : Shutterstock lauravr

* Chercheur PSE