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Carmen Camacho* et Alexandre Cornet

Chaque année, l’activité agricole est responsable de l’érosion de 24 milliards de tonnes de sols fertiles (CNULCD, 2017), faisant peser ainsi un risque non négligeable sur la durabilité des cultures et la sécurité alimentaire à l’échelle planétaire. La demande en produits alimentaires s’annonçant croissante dans les décennies à venir, croissance démographique oblige, comprendre et prévoir les incidences de l’agriculture sur les sols fertiles relève de l’urgence.

Carmen Camacho et Alexandre Cornet développent dans cet article théorique un modèle décrivant la croissance économique prenant en compte les liens entre les emplacements géographiques et la diffusion de la pollution des sols. Les différents lieux à l’étude ne sont pas uniquement liés par des interactions économiques, mais également par la pollution des sols. En effet, la pollution qui émane d’un lieu donné aura tendance à se déplacer vers d’autres régions, du fait de la porosité des sols. Dans cet article, les auteurs proposent des outils aux décideurs politiques soucieux de maximiser le bien-être général, en considérant le cheminement suivant : comment la pollution nait de la production, comment se déplace-t-elle dans les sols, et comment nuit-elle, par contrecoup, à la production. Ils proposent une trajectoire optimale claire pour combiner fertilité des sols et consommation. Dans leur analyse, les auteurs ont rencontré deux difficultés mathématiques importantes. Tout d’abord, le facteur productif, la fertilité des sols, est intrinsèquement limité à la surface disponible dans chaque région. Deuxièmement, une économie peut, à tout moment, s’inscrire dans des régions à la fois polluées et fertiles séparées par une frontière (invisible). Du fait de la nature fluide de la pollution, cette frontière peut évoluer au fil du temps. Les décideurs politiques doivent donc eux aussi constamment s’adapter.

L’évolution optimale des sols fertiles passe par deux phases. Durant la première phase, la répartition géographique des terres polluées est homogène et les sols fertiles ainsi que la consommation augmentent à taux constant dans toutes les régions. Au fil du temps, certaines régions se débarrassent de la pollution et l’économie entre dans la deuxième phase. Durant cette phase, une région dépolluée dispose de technologies plus avancées et/ou a investi davantage dans les mesures de dépollution, sans effets contreproductifs. Supposons que la région voisine demeure polluée. L’on constate un fait intéressant : les régions dépolluées n’absorbent plus la pollution provenant de zones polluées. Différentes configurations peuvent émerger. À terme, la région polluée ne réalise jamais son plein potentiel de fertilité, incapable de sortir du piège de la pauvreté environnementale. C. Camacho et A. Cornet montrent que les décideurs devraient désavouer les actions publiques qui valorisent le présent aux dépends de l’avenir et adopter des mesures visant à inciter les régions propres à contribuer à la réduction générale de la pollution. Faute de quoi, l’inaction pourrait mener à moyen terme à la pollution générale des espaces et de l’économie.

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Références

Titre original de l’article : Diffusion of soil pollution in an agricultural economy. The emergence of regions, frontiers and spatial patterns

Publié dans : PSE working paper 2020-31

Disponible via : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02652191v2

* Chercheur PSE